Pierre Dac (1893-1975)
Pierre Dac, de son vrai nom André Isaac, est né le 15 août 1893 à Châlon-sur-Marne. Comme il le dit si bien dans ses Mémoires, publiées en 1926 alors qu'il n'en était qu'au tout début de sa carrière d'humoriste : "Je suis né à l'âge de quatre ans et demi. C'est-à-dire que, dès ma naissance, j'étais très avancé pour mon âge."
La biographie d'André ISAAC alias Pierre Dac mérite une place de choix dans ce site. Un souvenir qu'il importe d'entretenir. En 1943 il devient au micro de la BBC à Londres un des "Français qui parlent aux Français". Ceux qui sont encore de ce monde se souviennent que tous les soirs pendant neuf mois, dans la plus grande des clandestinités, ils dressaient l'oreille à ses éditoriaux et ses chansons. L'humour loufoque de ses polémiques visant à combattre l'occupant a su remonter le moral de ceux qui tremblaient sous la botte brune et qui attendaient avec impatience leurs libérateurs.
Pierre Dac est né le 15 août 1893 à Châlons-sur-Marne. Il hérite de son père boucher une forme nouvelle d'humour. Cette vocation fera de lui un chansonnier, qu'on baptisera d'un nom nouveau : le Roi des Loufoques. Terme en effet peu répandu à ce moment. Dans les cabarets parisiens, la Lune Rousse, le Caveau de la République, le Coucou ou les Noctambules, il tourne en dérision les situations ridicules de la vie de tous les jours. Il sait à merveille en "louchèbem" (langage des bouchers) jongler avec les mots et les calembours.
La parodie de Phèdre
dont il est l'auteur va devenir un grand succès de music-hall. Voici
la scène finale de cette oeuvre : PHÈDRE
Ben, c'est pas étonnant, j'ai c't'Hippolyt' dans l'nez !
Je veux dans le trépas noyer tant d'infamie
Qu'on me donn' du poison pour abréger ma vie !
SINUSITE
Duquel que vous voulez, d'l'ordinaire ou du bon?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug', celui qui fait des ronds.
Qu'est-c'que vous avez donc à m'bigler d'vos prunelles ?
Écartez-vous de moi ! (A Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un voeu suprême sans trahir ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.
(Les servantes apportent deux bols.)
À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !
(Elle boit) Ô Dieu que ça me brûl', mais c'est du vitriol!
HIPPOLYTE boit
Divinités du Styx, je succombe invaincu
Le désespoir au coeur...
PHÈDRE
Et moi le feu au …
Le 13 mai 1938 il crée le journal satirique
L'OS À MOELLE, présenté comme "l'organe officiel des
loufoques". Jusqu'au 31 mai 1940, date de l'entrée des Allemands
dans Paris, Pierre Dac va réaliser quatre grandes pages diffusées,
chaque vendredi, à quatre cent mille exemplaires, dans les familles,
les cours de lycée et les casernes. Un record absolu dans l'histoire
de la presse d'avant-guerre ! Une aventure qui débute par un éditorial
désormais historique, sobrement intitulé : Pourquoi je crée
un journal. On y lit notamment :
"Au temps des
Gaulois, le fameux gui qu'adoraient ces derniers n'était autre que l'os
à moelle qui, à l'époque, n'était pas encore passé
du règne végétal au règne minéral: les campagnes
celtes verdissaient à l'ombre des ossamoelliers, au pied desquels les
comiques en vogue chantaient leurs plus désopilants refrains dont l'un
des plus célèbres : Le druide a perdu son dolmen, est parvenu
jusqu'à nous.
Au cours des siècles, l'Os à moelle subit de nombreuses métamorphoses
et même une éclipse totale sous la Révolution française:
aujourd'hui, nous assistons à son apothéose et à sa cristallisation
définitive sous la forme du présent journal.
Voilà pourquoi, amis lecteurs, nous avons choisi ce titre: L'Os à
moelle! Nous tâcherons de nous en montrer dignes et de le maintenir sur
le chemin du sourire et de la saine plaisanterie; nous éviterons évidemment
toute bifurcation politique, car nous voulons bien être loufoques mais
pas fous."
Il devient aussi un familier des ondes. Ses nombreux sketches sont diffusés
sur Radio-Cité et plus tard sur le Poste Parisien. Ce n'est pas sans
difficultés qu'il pourra rejoindre de Gaulle et la BBC. Avant d'atteindre
ce but qu'il s'est fixé après avoir entendu l'appel du 18 juin,
il connaîtra de multiples incarcérations et évasions. Son
échec après la traversée des Pyrénées lui
fera dire : "Si Louis XIV se les étaient farcies comme moi, il n'aurait
jamais dit : il n'y a plus de Pyrénées." Au juge qui lui
demande pourquoi il a voulu quitter la France il réplique ; "En
France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal
Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n'ai plus rien à
faire ici."
A radio Londres, en juin 1944, il attaque violemment Philippe Henriot… "Bagatelle pour un tombeau" reste un modèle du genre (lire le texte intégral). C'est une épitaphe prophétique prononcé quinze jours avant que Philippe Henriot soit abattu par la Résistance. Pierre Dac a sa part dans la victoire remportée sur la peste brune :
Après la Libération
Revenu de retour de Londres en 1946, après un passage par les Forces
Françaises Libres comme correspondant de guerre, de pierre Dac crée
L'Os Libre qui n'obtient pas le succès escompté. Les temps ont
changé, l'humour loufoque semble faire partie du passé...
Le Sar Rabindranath
Duval
Mais en 1949, La rencontre avec Francis BLANCHE lui donne une "seconde
jeunesse" sera décisive. Elle donnera naissance en 1951 au plus
incroyable, au plus drôle, au plus délirant des feuilletons radiophoniques,
signé Furax (1034 épisodes enregistrées entre 1956 et 1960).
Ensemble, ils créent des revues qui vont triompher sur la scène
des Trois Baudets, puis à l'ABC. Ils deviennent surtout les producteurs-interprètes
de nombreuses émissions de radio. Parmi elles, Le Parti d'en rire, Faites
Chauffer la colle, CQFD, Studio 22, et surtout Malheur aux Barbus et L.K.N.O.P.D.A.
Les kangourous n'ont pas d'arêtes (un pastiche de "S.L.C. Salut les
copains", l'émission en vogue de l'époque) : plus de 1 200
émissions diffusées sur Paris Inter, puis sur Europe n° 1,
vont passionner et divertir les Français pendant cinq ans. Ils accèdent
également à l'immortalité à travers un sketch, écrit
par Pierre DAC, Le Sar Rabindranath Duval...
Comme beaucoup de grands comiques Pierre DAC est aussi un grand déprimé. On pense qu'il ne s'est jamais consolé de la perte de son frère aîné Marcel, mort au champ d'honneur en le 28 octobre 1915. C'est le 17 janvier 1960 que sa femme, Dinah, le découvre dans sa baignoire, les veines tailladées, gisant dans un bain de sang. En moins de deux ans, il s'agit de sa quatrième tentative de suicide. Par miracle, il échappe à la mort...
Pierre Dac (assis en
tailleur devant le président) lors d'une réception donnée
par le président de la République Vincent Auriol pour tous les
chansonniers, le 15 janvier 1954 (coll. Denise Weill)
Mais à partir de 1962, Pierre DAC retrouve la santé en même
temps que le moral, et fait preuve, à nouveau, d'une verve exceptionnelle
: il fait reparaître L'Os à moelle (entre 1964 et 1966), écrit
(avec Louis ROGNONI) un feuilleton d'espionnage délirant Bons Baisers
de Partout (740 épisodes sur France Inter entre 1965 et 1974) et publie
ses Pensées, qui font de lui le successeur logique et évident
de Pascal.
Malgré le succès, Pierre Dac était resté un homme timide et modeste, presque effacé. Il meurt le 9 février 1975, dans la plus grande discrétion. "La mort, avait-il dit, c'est un manque de savoir-vivre."
Bibliographie : Pierre
Dac, Dico franco-loufoque, réalisé par Jacques Pessis, Librio
1999
L'inventeur de la saucisse
c'est Cicéron, puisque le bout de la saucisse est rond.
L'orgue de Barbarie est à la figue du même nom ce que la trompette
bouchée est au cidre.
Il faut battre le fer quand il est chaud et la crème quand elle est fraîche.
Les cuisiniers qui font sauter les pommes de terre sur leurs genoux font du
paternalisme culinaire, et ceux qui les font sauter par la fenêtre ou
au plastic font de la cuisine criminelle ou terroriste.
Le barbecue est à la grillade ce que la barbe est à papa.
Quarante paires d'yeux de bouillon qui vous contemplent, c'est quarante siècles
de pot-au-feu égyptien qui nous regardent du haut de leurs pyramide de
viande et de légumes pharaoniques.
Pensées religieuses La Sainte-Trinité, c'est le divin Tiercé
du Ciel.
Il existe encore des gens qui prennent le Messie pour une lanterne.
Pensées diverses Rien n'est plus semblable à l'identique que ce
qui est pareil à la même chose.
Si vous avez les yeux plus grand que le ventre, vous n'êtes pas près
de trouver une paire de lunette.
Quand les eaux territoriales envahissent le territoire, celui-ci est en état
de bain de siège.
Ce n'est pas parce qu'en hiver on dit : "Fermez la porte, il fait froid
dehors", qu'il fait moins froid dehors quand la porte est fermée.
Quand une personne à qui vous avez rendu service vous dit : "Je
ne sais pas comment vous remercier", répondez-lui : "Quand
vous le saurez, n'hésitez pas à venir me le dire."
La parodie de Phèdre
dont il est l'auteur va devenir un grand succès de music-hall. Voici
la scène finale de cette oeuvre : PHÈDRE
Ben, c'est pas étonnant, j'ai c't'Hippolyt' dans l'nez !
Je veux dans le trépas noyer tant d'infamie
Qu'on me donn' du poison pour abréger ma vie !
SINUSITE
Duquel que vous voulez, d'l'ordinaire ou du bon?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug', celui qui fait des ronds.
Qu'est-c'que vous avez donc à m'bigler d'vos prunelles ?
Écartez-vous de moi ! (A Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un voeu suprême sans trahir ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.
(Les servantes apportent deux bols.)
À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !
(Elle boit) Ô Dieu que ça me brûl', mais c'est du vitriol!
HIPPOLYTE boit
Divinités du Styx, je succombe invaincu
Le désespoir au coeur...
PHÈDRE
Et moi le feu au …