Benjamin Péret (1899-1959)


Benjamin Péret est né à Rezé (Loire-Atlantique un 4 juillet, ce "primitif", qui consacra sa vie à la cause surréaliste et révolutionnaire, eut très tôt la conviction que les forces de l’imagination et celles de l’action révolutionnaire, loin d’être incompatibles, devaient se soutenir et se dépasser mutuellement.Benjamin Péret fut tout d’abord cet adolescent rebelle qui, à l’âge de dix-huit ans, par bravade, à Nantes peignit une statue de sa ville d’adoption, et fut contraint par sa mère à s’engager. C’est le même, au sortir de la guerre, ayant rejoint le mouvement Dada, qui tient le rôle du soldat inconnu au procès Barrès, marchant au pas de l’oie, provoquant la fureur de la salle. C’est à lui et à Pierre Naville que sera confiée la direction des deux premiers numéros de La Révolution surréaliste. Benjamin Péret entre ainsi en scène de la manière la plus incisive, comme une « fourchette coupante » pour emprunter le titre d’une étude que lui consacrera son ami Jehan Mayoux.

Il fit plusieurs séjours dans des hôpitaux parisiens et en rapporta une aversion définitive pour l’armée. Sa rencontre avec les jeunes poètes de la revue Littérature fut saluée par Breton comme un de ces hasards objectifs qui scellent un destin. Lors du "procès Barrès", Péret, revêtu d’une capote de soldat français, mais parlant allemand, incarne le "soldat inconnu" venant témoigner contre l’illustre propagandiste. Cette provocation exprimait théâtralement ce qui allait être le caractère constant, et le plus controversé, de la personnalité de Péret : un engagement absolu à la cause révolutionnaire, une hostilité inflexible à tout ce qui s’y oppose : l’armée, l’Église et, bientôt les staliniens.
Il collabore à tous les numéros de La Révolution surréaliste, signe la plupart des déclarations du groupe, mais n’en poursuit pas moins la recherche d’une poésie originale. L’écriture automatique est à l’œuvre, mais son principe moteur, plus que l’association d’idées et la métaphore, chères à Breton et à Eluard, est le saugrenu syntaxique de la phrase, indéfiniment prolongée dans ses parallélismes, ses bifurcations et ses saccades.

En 1927, Péret apporte son concours à la réorientation politique du surréalisme : il adhère lui aussi au parti communiste et collabore à L’Humanité, le temps de comprendre que l’espoir révolutionnaire a déserté un parti en cours de bureaucratisation.

Il suit alors son épouse, la cantatrice Elsie Houston, au Brésil, d’où il sera expulsé en 1931 pour ses activités politiques. À Paris, il retrouve le groupe surréaliste en proie aux dissensions qu’accentue encore la "trahison" d’Aragon.
Signe de cette radicalisation, les poèmes de Je ne mange pas de ce pain-là (1936) sont une bordée d’invectives contre ses cibles préférées, prêtres, militaires, bourgeois.

Les années 1934-1936 sont aussi celles de la collaboration avec Picasso pour De derrière les fagots (1934), Ernst pour Je sublime (1936), Tanguy pour Trois cerises et une sardine. Mais la littérature ne lui suffit plus, lors de l’insurrection militaire en Espagne, il gagne la Catalogne comme délégué du parti ouvrier internationaliste, travaille à la radio du POUM à Barcelone, puis s’engage dans la division Durruti et gagne le front d’Aragon.

Il revient à Paris et est mobilisé en 1939 à Nantes. Arrêté en mai 1940 à Rennes, il est libéré en payant une rançon de 1000 francs aux autorités allemandes, et il ne tarde pas à franchir la ligne de démarcation pour rejoindre, à Marseille, André Breton, et nombre d’artiste étrangers en attente de visa pour les Etats-Unis. À cause de son passé politique il n’obtient pas son visa et part pour le Mexique où il séjournera six ans avec sa compagne le peintre Remedios Varo. Son intérêt croissant pour la culture indienne le conduit à traduire Le Livre de Chilam Balam de Chumayel (1955) et à établir une Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique.
Il rentre en France en 1948 et tente de réactiver avec Breton le groupe surréaliste mais à l’heure où tous les chantres de la Résistance prolifèrent, son pamphlet, Le Déshonneur des poètes (1945), dirigé contre toute forme de poésie militante, lui retire beaucoup de sympathies, énorme pavé dans la mare de la « poésie résistante ». Guy Prévan n’a pas tort de voir dans ce virulent pamphlet, dont Aragon et Eluard font essentiellement les frais, une « application théorique et polémique » du Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant rédigé par Trotski et Breton en 1938. « La poésie, lieu géométrique de l’amour et de la révolte » comme l’a définie Péret n’a pas pour vocation « à faire le trottoir entre la banque et la caserne, entre la sacristie et le comité central », écrit Guy Prévan dans la même veine que Le Déshonneur.
.De 1920 à sa mort, survenue en 1959, il restera fidèle à l’idéal de sa jeunesse et au mouvement surréaliste. Sur sa tombe, au cimetière des Batignolles; figure cette épitaphe : "Je ne mange pas de ce pain-là."
De 1948 jusqu’à sa mort, Péret participera à toutes les entreprises du mouvement surréaliste et collaborera à toutes ses publications (Néon, Médium, Le Surréalisme même). Sur le plan politique, après la rupture avec la IVe Internationale en 1948, en désaccord avec l’analyse de la nature de l’URSS, il se retrouve alors avec quelques autres réfractaires dans l’UOI (Union ouvrière internationale), puis, militant solitaire, salue la révolution hongroise qui lui fait entrevoir une nouvelle aube, combat le colonialisme et la guerre d’Algérie. C’est la période où il s’interroge : « Le principal – écrit-il à son ami Munis – serait de faire une révision générale des valeurs pour la génération de demain en critiquant tout l’acquis. Mais en aurons-nous le temps ? » Son dernier combat sera d’être aux côtés de Dionys Mascolo et Jean Schuster qui lancent une revue d’opposition au nouveau régime installé par de Gaulle en 1958 : Le 14 Juillet.
Ainsi de 1920 à sa mort, survenue en 1959, il restera fidèle à l’idéal de sa jeunesse et au mouvement surréaliste. Sur sa tombe, au cimetière des Batignolles; figure cette épitaphe : "Je ne mange pas de ce pain-là."

 

Association des Amis de Benjamin Péret c/o Claude Courtot
2, place de la République -93400 Saint-Ouen

A lire

Les Œuvres complètes de Benjamin Péret en VII tomes.(Éric Losfeld).

C. COURTOT, Introduction à la lecture de Benjamin Péret, Paris, 1965, Le Terrain Vague
(ouvrage actuellement disponible à la Librairie José Corti).

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